JESUS CHRIST ET LE DIVORCE ?
A part cette controverse avec les pharisiens, Jésus a encore pris position ici et là sur le divorce et le remariage. Dans les textes en question, il s'exprime de différentes façons. Cependant, loin de se contredire, ceux-ci se complètent. Nous allons les analyser brièvement l'un après l'autre.
a) Matthieu 5:31.32: « Il a été dit: Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi, je vous dis que quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et que celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère ».
Première constatation: la répudiation ou le divorce est contraire à la volonté de Dieu, qu'il soit suivi ou non d'un nouveau mariage. Répudier sa femme, c'est lui causer un grave tort, faire d'elle une victime. Jésus utilise un verbe que la plupart des traductions rendent de la façon suivante: « l'expose à devenir adultère ».
Cette traduction n'est pas satisfaisante. On comprend mal comment une femme qui subit une répudiation peut devenir coupable d'adultère. La répudiation par son mari place l'épouse dans une situation où elle a la possibilité de contracter un nouveau mariage, ce qui lui ferait commettre un adultère. Cette traduction est encore davantage contestable. Elle fait en effet du remariage et non de la répudiation même l'objet du délit.
C'est le remariage et non le divorce qui constitue dès lors l'adultère. Le Christ, en fait, utilise un passif qu'on pourrait traduire de la façon suivante: « la fait (passer pour) adultère », comme nous trouvons dans la Bible Ostervald. Adultère non pas dans la réalité, puisqu'elle subit la répudiation et n'en est donc pas responsable, mais adultère aux yeux de la société.
Jésus s'en prend au mari, acteur du divorce, et non à sa femme qui en est la victime. Le fait d'avoir été répudiée par son mari la fait passer pour une épouse infidèle, légitimement chassée par lui. C'est un statut qui lui est imposé par le péché d'un autre, celui de son conjoint.
Qu'en est-il de la clause d'exception, de l'expression « sauf pour cause d'infidélité », seul cas qui légitime un divorce dans l'opinion du Christ?
Le mot traduit par « infidélité » est le terme grec « porneia » qu'on retrouve dans certains mots français. De quoi s'agit-il ? C'est un terme générique, au sens large, qui désigne dans la Bible tout rapport sexuel illicite, dans ou en dehors du mariage et qui porte les sens de «perversion», «débauche» etc, alors que le mot « adultère » dénote les relations sexuelles qui brisent le lien du mariage, l'infidélité conjugale.
La clause du Christ autorise donc le divorce en cas de relations sexuelles extra-conjugales, c'est-à-dire d'infidélité. Mais remarquons que cette autorisation se situe dans le contexte de la loi.
Sous la grâce c’est le pardon qui doit être exercé en tout temps. Dans ce cas-là, l'épouse répudiée ne risque pas de passer innocemment pour adultère, puisqu'elle aura personnellement commis ce péché. Le lien du mariage est effectivement rompu par l'adultère et, par ailleurs, aucun tort n'est fait à l'épouse coupable.
Le divorce est donc autorisé, ce qui ne veut pas dire qu'il soit prescrit ! Le Christ ne défend pas la cause de ceux qui bafouent la volonté et méprisent la bonté de Dieu.
b) Matthieu 19: 9: « Je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère ».
Dans ce texte, Jésus relie plus nettement que dans le précédent le divorce et le remariage. Il évoque clairement le cas de celui qui répudie sa femme dans le dessein bien arrêté d'en épouser une autre.
Au niveau de la loi, le divorce est un acte coupable s'il n'a pas pour mobile l'infidélité du conjoint. Mais le remariage constitue lui aussi une transgression de la volonté de Dieu.
Matthieu 5:31.32 enseignait qu'en répudiant sa femme on l'exposait à devenir adultère, la condamnait à passer aux yeux du public pour une femme infidèle à son mari.
Matthieu 19:9 enseigne de son côté que celui qui commet un tel acte est lui-même coupable d'adultère. Inversement, il est permis de conclure de la clause de l'infidélité mentionnée dans le texte que le conjoint fidèle et innocent a, sans commettre d'adultère, la possibilité de divorcer mais non de contracter un nouveau mariage (Rom. 7: 1-3).
Cependant, ce n'est pas sur le caractère licite d'un divorce et d'un remariage que le Christ met l'accent, mais sur le fait que l'infidélité du conjoint constitue la seule exception à la règle énoncée.
c) Marc 10: 11.12: « Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre, commet un adultère à son égard, et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère ».
C'est ce que le Christ dit aux disciples qui lui posaient quelques questions subsidiaires après la controverse avec les pharisiens dont il a déjà été question ci-dessus, dans Matthieu 19. Sans doute avaient-ils encore besoin de quelques éclaircissements sur le lien entre l'intention première du mariage exprimée dans le récit de la création (Genèse 1 et 2) et la règle énoncée par la suite, dans Deutéronome 24:1-4.
Dans sa réponse, Jésus corrige sur deux points la « tradition des hommes » véhiculée par les docteurs de la loi et les pharisiens. Les juifs de son temps étaient convaincus qu'en répudiant sa femme, un homme pouvait commettre adultère à l'encontre d'un autre homme dans l'hypothèse où il séduirait sa femme, et qu'une femme pouvait commettre adultère à l'encontre de son mari.
Mais un mari, pensait-on, ne pouvait pas se rendre coupable d'adultère envers sa femme. En déclarant que celui qui répudie sa femme et en épouse une autre « commet un adultère à son égard », Jésus met un terme à cette immunité masculine octroyée à l'homme en matière d'adultère.
D'autre part, ce qui est vrai du mari l'est aussi de sa femme. La responsabilité et la culpabilité sont les mêmes de part et d'autre. Le Seigneur est formel: le mariage est sacré et doit demeurer intact. Le lien conjugal est indissoluble et ne peut être rompu. Tel doit être l'enseignement de l'Église à une époque où le mariage passe de plus en plus pour une sorte de « contrat » valable aussi longtemps que « cela marche » et qu'on peut dissoudre quand on ne s'aime plus et qu'on n'a plus envie de vivre ensemble.
Martin Luther écrit dans le Grand Catéchisme: « Dieu honore et glorifie cet état en ce que, à la fois, il le confirme et le garantit par son commandement... C'est la raison pour laquelle il veut que nous l'honorions, l'adoptions et le cultivions, nous aussi, comme un état divin et bienheureux, puisqu'il l'a institué en premier, avant tous les autres ».
d) Luc 16:18: « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère ».
Chez Luc, l'interdiction du divorce vient illustrer le principe « qu' il est plus facile que le ciel et la terre passent qu'il ne l'est qu'un seul trait de lettre de la loi vienne à tomber ».
Dans leur légalisme et leur formalisme, les pharisiens et les scribes s'attachaient servilement à la lettre de la loi, mais en ignoraient totalement l'esprit. Ils étaient prêts à s'autoriser le divorce et à l'autoriser aux autres pourvu que leur interprétation de la lettre de la loi le leur permette.
En se donnant ainsi et en donnant à autrui une bonne conscience, ils transgressaient allègrement la Loi de Dieu et profanaient le lien sacré du mariage.
L'enseignement du Christ est clair et se tient à l'écart de toute casuistique, n'évoquant pas plus chez Luc que dans Marc 10:11.12 le cas de l'infidélité: divorce et remariage sont contraires à la volonté de Dieu parce que contraires à l'essence même du mariage, et contraire à l’établissement de l’Ancienne Alliance.